Les participants au cours de portugais intensifs de l’Ifesp ont rencontré Guillaume Vinson, Français, expatrié au Brésil depuis plus de 11 ans. Après un VIE chez Renault à Rio, Guillaume commence une longue carrière chez Carrefour. Dans les locaux de l’Ifesp, il nous livre son parcours et son approche du travail au Brésil, un rencontre riche en échanges et en conseils.
Pourquoi êtes vous venu travailler pour la première fois au Brésil ?
Alors que j’étais encore en école de commerce, j’avais commencé à monter une entreprise. Après l’obtention de mon diplôme en 2000 j’ai continué l’aventure, c’était une période très enthousiaste et très intense. Mais après quelque temps les relations avec mon associé se sont un peu compliquées et les récits de mes camarades à l’autre bout du monde m’ont donné envie de partir à l’étranger, de préférence loin.
En septembre 2001, la direction de Peugeot à Paris me propose de participer à leur installation au Brésil. Me voilà donc arrivé à Rio en tant que VIE (Volontariat International en Entreprises). C’est un bon moyen de commencer une carrière au Brésil. Malheureusement ces postes sont souvent attribués d’office à des stagiaires que le groupe veut employer.
Comment décrivez vous votre première expérience au Brésil, parliez vous portugais ?
L’arrivée était difficile. D’abord parce qu’il y avait tout à faire : Peugeot venait d’ouvrir une usine, la filiale se construisait peu à peu, et cela demandait beaucoup de travail et d’investissement. Ensuite parce qu’à part les quelques heures de cours que j’avais suivies, je ne parlais pas portugais.
A la fin de mon VIE, je n’avais pas du tout envie de rentrer en France, mais en même temps l’entreprise Peugeot ne correspondait pas à ma manière de travailler, le monde industriel est trop bien organisé, il manque de dynamisme. J’ai donc commencé à chercher du travail au Brésil, sans vraiment savoir dans quel secteur. Un ami d’ami a fait suivre mon CV, et je suis rentré chez Carrefour.
Lors de votre expérience chez Carrefour quelles différences culturelles avez-vous remarquées ?
Je me suis vite rendu compte que les relations chef-employé étaient très différentes ici. Les Brésiliens ont un respect du chef et de son autorité très fort. Cela a bien sûr des avantages, mais en contrepartie toutes les informations ne remontent pas : il y a de gros problème de communication interne.
La manière de gérer ses employés est aussi particulière : les Brésiliens marchent beaucoup plus à l’émotionnel, alors que nous sommes habitués à un rapport très rationnel. La grande informalité des relations et leur grande sensibilité ne facilitent pas les rapports hiérarchiques comme on pourrait le croire : notre franchise est souvent très mal interprétée. On peut tout dire, mais il faut savoir le dire. La forme est très importante au Brésil. Par exemple quand un employé fait une grosse erreur, il faut éviter de pointer du doigt directement les éléments négatifs, mais plutôt mettre en valeur les plus, et faire comprendre qu’on ne veut pas que les moins se reproduisent.
Les motivations de travail sont aussi différentes : un Brésilien travaille pour améliorer son niveau social, l’idée des différentes classes étant bien ancrée. Ça explique aussi la grande volatilité du marché du travail : les gens changent du jour au lendemain de poste pour des augmentations de salaire parfois inférieures à 20%, et il est très difficile de garder les talents.
Aujourd’hui vous hésitez à lancer votre propre business, alors entrepreneuriat ou retour vers les groupes de la grande distribution ?
C’est un choix qui me tiraille ! D’un côté l’entrepreneuriat est une expérience nouvelle et stimulante. C’est l’occasion de découvrir un nouveau milieu. Mais c’est aussi un challenge personnel, puisque personne n’est là pour vous motiver : vous êtes seul avec votre projet.
D’un autre côté, je connais bien le milieu de la grande distribution et des grands groupes, et je pense pouvoir réellement apporter quelque chose à l’entreprise : mes nombreuses années chez Carrefour, et les différents postes que j’ai occupés m’ont donné un certain nombre de clés face aux problèmes que les groupes rencontrent.
Quels sont vos conseils pour des Français qui cherchent un emploi au Brésil ?
Les Brésiliens ont parfois du mal à comprendre les formations françaises, notre moule de pensée, et la cohérence de nos parcours. C’est pourquoi ça peut valoir le coup de s’adresser à un Français, l’idéal étant quelqu’un qui a suivi une formation similaire à la vôtre, ou un Brésilien qui connait bien le système français. Bien sûr, ce n’est pas indispensable.
Je n’en étais pas vraiment conscient à mon arrivée au Brésil, mais a posteriori –et depuis que j’ai moi-même recruté- je me rends compte qu’il faut savoir ce qu’on veut, et savoir ce qu’on vaut. Le discours doit être à la fois clair et ouvert.
De nombreux Français qui cherchent du travail reçoivent souvent des propositions d’emploi avec un salaire assez bas. Mais il faut savoir que les évolutions de postes sont extrêmement rapides. Il est fréquent que le salaire double en un an seulement. De plus le variable est beaucoup plus important qu’en France : vous pouvez vous retrouvez avec 10 mois de bonus à la fin de l’année, et on peut le négocier au moment de la signature du contrat d’embauche. Il ne faut pas avoir peur d’accepter un premier poste avec un salaire un peu décevant.
Comment est perçue votre expérience brésilienne en France ?
Le Brésil a eu une image de pays-plage, peu rigoureux du point de vue du travail. C’est en train de changer doucement, surtout avec sa nouvelle image de puissance émergente. Il faut savoir vendre son séjour : São Paulo en particulier est une ville où l’on travaille beaucoup. Si l’on a su s’adapter à la législation brésilienne, connue pour sa complexité, on peut s’adapter à de nombreux autres postes et pays. Enfin dans un pays avec une telle croissance, on dirige très vite une équipe nombreuse, et les responsabilités sont plus importantes.
Par Alicia Fournier et Marguerite Graveleau pour My Little Brasil