
Ce vendredi 7 avril 2017, l’équipe de MLB a eu l’immense plaisir de recevoir Julien Caille pour une dégustation de chocolat dans nos locaux. Pâtissier français installé à São Paulo, Julien revient sur son parcours et nous donne les clés de sa réussite sur le sol brésilien.
Bonjour Julien, peux-tu te présenter brièvement ?
Je m’appelle Julien Caille, j’ai 31 ans (bientôt 32, en mai), je suis français et j’ai vécu toute mon enfance dans un petit village des Yvelines (78, à l’Ouest de Paris).
Après le collège, je suis allé étudier dans une école de gastronomie à Paris, l’école Grégoire Ferrande, dans le 6ème arrondissement. Je suis entré dans la section pâtisserie où j’ai passé un CAP, un BEP, un Bac pro en pâtisserie et un CAP en boulangerie, tout cela en 5 ans d’études en alternance.
Après cela, j’ai travaillé en tant que pâtissier dans diverses boulangerie-pâtisseries de quartier à Paris.
J’ai créé en France ma micro-entreprise de cours de pâtisserie à domicile pour arrondir mes fins de mois et parce que transmettre mon savoir me passionnait. Je l’ai fermée juste avant de partir au Brésil.
… Et présenter brièvement ta société ?
En arrivant au Brésil, j’ai voulu tenter de faire la même chose qu’en France. J’ai donné des cours de pâtisserie traditionnelle française et aussi commencé à proposer de la pâtisserie française à la commande.
J’ai donc ouvert une MEI (Micro-Empreendedor Individual) de cours de pâtisserie à domicile et de pâtisserie française traditionnelle sur commande.
Comment es-tu arrivé au Brésil, les débuts, et ton parcours ici ? Comment l’adaptation s’est-elle passée, notamment au niveau de la langue ? Pourquoi avoir choisi le Brésil ?
Aller vivre au Brésil n’a jamais été un projet de vie, contrairement à beaucoup. J’avais en tête que mon métier pourrait peut-être me permettre d’aller travailler à l’étranger, que la pâtisserie française s’exporte bien. Mais cela était alors très illusoire, et comme j’avais un problème avec l’apprentissage des langues (surtout l’anglais), cela m’a fait ranger cette idée dans le fin fond d’un tiroir.
Mais voilà, les choses ont fait que j’ai rencontré celui qui est désormais mon mari (brésilien) en Europe et que cette idée de vivre et travailler à l’étranger a ressurgi. J’ai alors pensé qu’il y avait certainement beaucoup plus d’opportunités de carrière au Brésil pour moi que pour mon mari en France.
Je me suis donc rendu au Brésil trois mois en tant que touriste pour me rendre compte des réalités brésiliennes. Mais avant cela, j’avais quand même pris quelques cours particuliers de portugais et étudié seul chez moi avec une méthode.
Me voilà donc arrivé au Brésil pour y découvrir le pays, la vie, le marché du travail et les Brésiliens. Je suis quelqu’un d’ouvert, et l’adaptation a été grâce à cela relativement aisée. Il faut vivre au rythme et à la manière des Brésiliens pour ne pas paraître « décalé », même si cela n’est pas tout le temps facile. Pour la langue, fort de mes quelques mois de cours en France, j’ai réussi à me débrouiller, puis je suis resté essentiellement avec des Brésiliens. Je ne parlais portugais qu’avec mon mari et j’ai commencé à regarder des séries que j’avais déjà vues en portugais et sous-titrées en portugais. Je suis en ce moment en train de relire Harry Potter en portugais. Lire est selon moi plus compliqué et fatigant que visionner une série, mais bien plus efficace.
Pendant ces trois mois, j’ai découvert le monde du travail et les règles très strictes et compliquées pour un immigré qui souhaite décrocher le précieux visa de travail. Je me suis rendu compte ici aussi que le métier de pâtissier n’est pas reconnu comme en France et que, même chargé de mes diplômes de prestigieuse école parisienne, cela n’avait pas beaucoup de valeur. Par conséquent, le salaire s’est avéré très bas. Je ne voulais pas non plus conserver le titre d’ouvrier pendant trop longtemps, mais les règles du visa me l’ont imposé.
Mon compagnon et moi nous sommes pacsés en France lorsque je suis rentré de mon expérience de trois mois et j’ai ainsi pu obtenir un visa permanant de rapprochement familial.
Ce visa me permet désormais de travailler comme un Brésilien, d’ouvrir une entreprise, …
J’ai donc ouvert ma MEI en septembre et depuis octobre 2016, j’ai mon propre atelier dans le quartier paulista de Bela Vista.
J’ai une clientèle principalement française, bien que les Brésiliens commencent à me connaître et à être de plus en plus nombreux dans mon enseigne.
Quelles sont tes perspectives au Brésil, pour toi, ta société et vos produits ?
Ma perspective pour le moment est de me laisser porter par le vent. Même si j’ai des projets et que mon but est d’évoluer, je ne veux pas brûler les étapes. J’ai commencé il y a deux ans en faisant de la pâtisserie dans ma cuisine, j’ai ouvert ma MEI et maintenant, j’ai mon atelier. Je trouve déjà cela super en deux ans de temps.
Je veux continuer à proposer de la pâtisserie française traditionnelle ; je fais aussi traiteur, boulanger, … Mais de même, j’y vais tranquillement en prenant les opportunités quand elles se présentent.
En fait, tout ce qu’un Français à l’habitude de trouver dans une pâtisserie en France, il peut le retrouver chez moi!
Selon toi, comment réussit-on au Brésil?
Je n’ai, je pense, pas encore assez de recul pour répondre à cette question. Le contexte économique et social du Brésil étant très fragile et incertain, il peut être très risqué de s’aventurer dans des projets coûteux, même avec un concept béton. C’est pour cela que j’ai fait le choix de me laisser porter et d’aller au gré de mes envies. Cela dépend aussi de la perception de chacun de la réussite.
As-tu rencontré des difficultés particulières ?
La plus grande difficulté que j’ai rencontrée est le millefeuille administratif du Brésil, qui n’est en soit pas si compliqué, mais juste long. Pour ouvrir ma MEI, étant étranger, cela n’est pas compliqué. Ce n’est juste jamais le bon bureau, le bon guichet, le bon papier, chacun se contredit… C’est long, et il faut être patient.
J’ai eu quelques difficultés à assembler tous les ingrédients nécessaires, ici. Mais avec le temps, on connait les adresses, les produits de substitution, on s’adapte et on en apprend tous les jours.
Que conseillerais-tu à celles et ceux qui hésitent encore à venir au Brésil?
Je dirais qu’il faut tenter. Je m’en serais voulu toute ma vie de ne pas avoir tenté et, pour le moment, je n’ai pas l’intention de partir.
Un mot pour la fin?
Je ne regrette pas mon choix d’être venu. J’ai découvert un pays, certes plein de défauts, plein de problèmes, un pays où tout reste à faire, mais des gens merveilleux, une population optimiste et gaie malgré la vie difficile que la plupart a. C’est à ce moment que l’on se dit que la France est un pays où les problèmes ne sont pas si grave.
São Paulo est une ville où il y a beaucoup de choses à faire et le système Brésilien, bien que compliqué, laisse libres les petits entrepreneurs comme moi de travailler et d’entreprendre. Jamais je n’aurais pu faire tout cela en France en si peu de temps. C’est une ville très complexe aussi, avec ses codes. Il faut être patient, encore une fois, et apprendre à aimer cette ville qui a tant à donner.